Haïti dans l’engrenage des prix alimentaires (Source:Nouvelliste 21 Fevrier 2011) Par Dieudonné JOACHIMPresque toutes les conditions sont remplies pour que le monde soit dans des situations similaires à avril 2008. Les tragiques émeutes dites de la faim pourraient frapper à nos portes si des mesures urgentes ne sont pas prises pour garantir la sécurité alimentaire, particulièrement en Haïti où 3,3 millions de personnes sont directement concernées. Haïti: En Haïti, les perspectives de sécurité alimentaire s’assombrissent chaque jour davantage, et la conjoncture internationale ne laisse pas augurer de résultats prometteurs. « La flambée des prix alimentaires est en train d’atteindre la cote d’alerte, au risque de la stabilité politique dans de nombreux pays », a averti, samedi 19 février, à Paris, le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, en marge d’une réunion des ministres des Finances du G20. Ces déclarations du président de la Banque mondiale est venue corroborer d’autres études de la FAO et des déclarations faites par des autorités haïtiennes bien avant cette réunion du G20. Récemment, la Coordination nationale pour la Sécurité alimentaire (CNSA) a même tiré la sonnette d’alarme pour éviter que la politique absorbe complètement les problèmes liés à l’insécurité alimentaire dans le pays, et, par-dessus tout, la reconstruction. L’agronome Gary Mathieu, responsable de la CNSA, avait souligné les risques encourus par Haïti avec plus de trois millions de personnes en insécurité alimentaire. Une étude coproduite par la Banque mondiale, les ministères haïtiens de l’Agriculture et des Finances intitulée « La vulnérabilité du Trésor publique haïtien aux risques des produits agricoles » reconnaît la fragilité du pays face aux risques de la hausse des prix dans l’international. « Si le prix du riz international augmente d’un dollar américain, cela se traduit par une augmentation dans le court terme de 0.15 dollar sur le marché local. Mais, dans deux mois, le prix international sera complètement transmis au niveau local », selon des calculs de l’étude précédemment citée. L’économiste Camille Charlmers pense, d’une part, qu’à court terme, il faut constituer des stocks de sécurité de denrées pendant que les autorités régulent les prix de produits stratégiques (riz, huile, sucre…) pour freiner l’ampleur des hausses spéculatives sur le marché. En plus, le responsable de la Plate-forme pour le développement alternatif (PAPDA) estime qu’il faut distribuer des outils, des intrants aux agriculteurs et financer le crédit pour le rendre accessible aux couches nécessiteuses. Continuer > |
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Camille Charlmers, qui s’exprimait sur les ondes de Magik9, lundi, avance aussi que la stratégie rapide la plus efficace pour améliorer les conditions de vie de la population serait de mettre sur pied sur des magasins de l’Etat. Pour lui, le structurel exige de sérieux investissements dans la production.« Le consommateur haïtien doit revenir aux produits alimentaires de substitution en réduisant progressivement sa consommation de riz importé », a, quant à lui, proposé l’agronome Sonel Ariste, spécialiste en économie et développement rural, déplorant ainsi le fait qu’Haïti importe près de 80% du riz qu’il consomme. Ce qui paraît difficile quand l’Etat ne consacre que moins de 10% de son maigre budget (100 milliards de gourdes) à l’agriculture et que les conséquences du dumping existent encore. Et surtout devant l’absence de subvention dans le domaine agricole.
« Les mesures d’urgence prises par les autorités nationales avec le soutien de la communauté internationale après les événements d’avril 2008 et qui ont donné des résultats satisfaisants en 2009, faut-il le rappeler, n’ont pas été suivies d’actions structurelles devant permettre de réduire les effets de la hausse des prix internationaux sur le marché national », a encore déploré l’agronome Ariste. Pour sa part, l’économiste Kesner Pharel explique cette situation par l’énorme appétit des pays émergents pour les produits agricoles et aussi par la baisse du dollar comme monnaie de référence par rapport aux autres grandes devises, particulièrement l’euro. Haïti, en tant qu’importateur net, va avoir beaucoup de problèmes parce que la hausse va se répercuter directement sur le marché local déjà fragile. Le PDG du groupe croissance pense qu’il ne faut pas uniquement voir les menaces de la conjoncture, il faut également saisir les opportunités et investir massivement dans l’agriculture en renforçant les chaînes de valeurs de ce secteur. Ainsi, l’économiste sous-entend la construction des routes secondaires et tertiaires dans les régions potentiellement agricoles et prône systématiquement une dynamisation du partenariat public privé pour accoucher de bons résultats pour Haïti. Selon les prévisions de la Banque mondiale rendues publiques dans un communiqué, les prix des céréales devraient rester volatile et supérieurs à la moyenne au moins jusqu’en 2015. Dans les pays les plus pauvres, où les personnes consacrent près deux tiers de leurs revenus quotidiens à l’alimentation, la hausse des prix s’impose à nouveau comme une menace pour la croissance économique et la stabilité sociale. |
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Dieudonné JOACHIM djoachim@lenouvelliste.com |