Les yeux bleus de Marie-Jeanne

Grottes d’Haïti, entre imaginaires et réalités

(Source: Le Nouvelliste | Publié le : 26 janvier 20151/27/2015 http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/140627/Les-yeux-bleus-de-Marie-Jeanne)

By  Nélio Joseph

C’est à travers cette impressionnante image, grand format, drapant le tableau d’entrée des salles miro 1, 2 de la Maison de l’Unesco à Paris, qu’il a été donné aux visiteurs avisés et curieux d’entrer dans l’univers spéléologique de l’exposition photographique Grottes d’Haïti, entre imaginaires et réalités.

« Les yeux bleus de Marie­Jeanne », une vue intérieure de la Grotte Marie­Jeanne capturée par le spéléologue Jean­François Fabriol, mettant en relief deux grandes cavités rocheuses dévoilant l’intimité abyssale presque chaotique d’une étrange cathédrale naturelle de calcaire, un véritable labyrinthe souterrain.

Une œuvre d’art à part entière, donnant à voir un lieu à la fois fascinant et inquiétant : fascinant, parce qu’il nous donne l’impression d’être face à un labyrinthe esthétique, un tableau surréaliste, étrangement beau ; inquiétant parce qu’on a toujours entretenu des rapports obscurs avec ces lieux patrimoniaux dont nous n’arrivons pas toujours à cerner le sens.

Il ne fait aucun doute que nous sommes en présence d’un extraordinaire monument historique. Située au Sud d’Haïti, la Grotte Marie­Jeanne, avec ses 4 kilomètres de galeries étagées sur cinq niveaux, est la plus longue excavation naturelle de la Caraïbe. Certaines sources, CULTURE Exposition Les yeux bleus de Marie-Jeanne Grottes d’Haïti, entre imaginaires et réalités comme le site zoomsurhaiti.com, affirment que cette merveille souterraine remonte à près de 60 millions d’années.

« Des traces archéologiques et des signes gravés sur les parois de calcaire et de silice témoignent de la présence des premiers habitants de l’île ». D’autres preuves de l’âge de ce labyrinthe souterrain s’observent à travers un certain nombre d’importantes ressources naturelles, y compris les spéléothèmes (concrétions calcaires dans les grottes) de tous types et tailles qui sont uniques aux grottes tropicales, poursuit le même site. Les différentes photos de la grotte Marie­Jeanne exposées par l’Association Homme des Cavernes à la Maison de l’Unesco et les sources complémentaires consultées indiquent qu’on est en présence d’une merveille archéologique, d’un monument singulier méconnu pourtant du grand public.

Le visiteur haïtien dont le champ de vision et d’action ne dépasse pas la bruyante capitale Port­au­Prince et des zones environnantes se retrouve comme étranger dans son propre pays, devant son propre patrimoine. Et en tant que tel, il se voit obligé, malgré lui, de se mettre à l’écoute de sa propre histoire, racontée en images et en mots par de vrais étrangers venus de loin pour lui apprendre à regarder son pays à travers ses richesses, ses trésors cachés, bref à regarder Haïti autrement.

Mais au­delà de cette leçon d’histoire qu’elle inflige à de nombreux visiteurs haïtiens, cette exposition, – qui, soit dit en passant, a pris fin le mercredi 21 janvier – où sont montrées en 45 panneaux des photographies prises par les spéléologues Carole Devillers, Olivier Testa et Jean­François Fabriol dans des grottes de 6 (six) autres départements du pays, a l’extraordinaire mérite de montrer Haïti dans son habit de noce, sous un angle autre que celui d’un pays déchiré, meurtri, en guerre avec lui­même. Et c’est l’essentiel dans ce contexte de crise politique programmée, où les images projetées par les médias internationaux sont celles de nos rues brûlant dans leurs  propres flammes.

NB. La Grotte Marie-Jeanne est située à Port-a-Piment du Sud, Haiti